La plupart du temps, la grossesse est vécue comme une aventure merveilleuse. Malheureusement, quelquefois, la réalité peut être tout autre.
Pour une future maman souffrant d’un trouble bipolaire, cette aventure est loin d’être sans danger. La grossesse implique des modifications émotionnelles, hormonales, familiales, sociales, professionnelles mais aussi des modifications du rythme du sommeil qui peuvent accentuer la fragilité.
Le temps de la grossesse jusqu’aux 2 ans de l’enfant est une période cruciale où le risque de rechute bipolaire est très grand et ce, pour diverses raisons. Cela peut être dû au changement de traitement médicamenteux, aux variations hormonales, aux modifications du rythme du sommeil, au stress inhérent à la grossesse, à la naissance et aussi à l’allaitement.

Traitement médical et grossesse

Dès qu’un désir de grossesse se manifeste, la future maman bipolaire se doit d’en informer son médecin.
Contrairement à certaines idées reçues, la grossesse ne protège pas des changements d’humeur et ne stabilise pas la maladie. Bien au contraire, les futures mamans sont plus vulnérables, plus sensibles à leur environnement et donc, sont plus exposées aux risques de rechute dépressive ou maniaque.


Tout traitement médicamenteux doit être reconsidéré avant le début de la grossesse. Cela ne signifie pas un arrêt total des médicaments, mais une adaptation du traitement. Cette adaptation est propre à chaque future maman. Il est important de protéger le fœtus des risques occasionnés par le traitement médicamenteux de la maman ou par une éventuelle phase maniaque ou dépressive de cette dernière.


Certains médicaments donnés dans le traitement des troubles bipolaires augmentent considérablement le risque de malformations fœtales ou de troubles du développement. C’est pourquoi il est important de bien préparer la grossesse. Le médecin propose un traitement qui présente le moins de risque possible pour le développement de l’enfant et qui stabilise l’humeur de la future maman. La Dépakine (acide valproïque ou valproate) est fortement déconseillée chez la femme enceinte. Selon l’Agence Européenne des Médicaments (EMA) elle est contre-indiquée voire interdite pendant la grossesse.

L’EMA recommande aussi aux hommes prenant du valproate de discuter avec leur médecin avant de concevoir un enfant. Comme pour les femmes, des résultats d’études suggèrent l’existence de risque de troubles neuro-développementaux chez les bébés. Le lithium n’est pas recommandé dans les deux premiers mois de grossesse car il augmente le risque de malformations cardiaques.
Certains antiépileptiques ou certains neuroleptiques peuvent être prescrits en remplacement car le risque de malformation est absent ou particulièrement faible.

Après l’accouchement

La période qui va du post-partum jusqu’aux deux ans de l’enfant, est une période critique chez les jeunes mamans souffrant d’un trouble bipolaire. Il est important de différencier la rechute dépressive du baby blues qui est un état passager à moindre intensité et à durée limitée.


Le risque de rechute reste important et ces dernières nécessitent un soutien intensif et une surveillance étroite, dans le but de mieux observer leur humeur. Cela peut se faire par des visites fréquentes de la sage-femme à domicile, des services psychiatriques à domicile (SPAD, Liewen Dobaussen, Réseau psy, D’Ligue etc.), des consultations médicales à une fréquence plus élevée, etc.


L’entourage pourra aussi intervenir, car les perturbations des rythmes imposées par le nouveau-né peuvent constituer un facteur de risque de rechute pour la jeune maman pendant cette phase sensible.
Après la naissance de l’enfant, le médecin réajustera le traitement. En cas de désir d’allaitement, le médecin sera extrêmement prudent car certains médicaments comme le lithium ou les thymorégulateurs passent dans le lait maternel, ce qui n’est pas sans risque pour le nouveau-né.


En cas de rechute, ce qui est plus fréquent chez les personnes qui n’ont pas eu de suivi médical pendant leur grossesse ou chez la personne qui a arrêté son traitement, une hospitalisation peutêtre envisagée Il est recommandable d’accompagner la maman psychologiquement pour lui donner un espace de parole lui permettant d’exprimer son ressenti, son vécu, ses préoccupations ainsi que pour soutenir le lien mère-enfant.

Conclusion

La grossesse comme le post-partum sont des périodes de vulnérabilité. Cette vulnérabilité est bien supérieure chez les futures mamans bipolaires. Le véritable enjeu de cette situation consiste à mesurer les risques pour le fœtus et la future maman et à ajuster parfaitement le traitement médicamenteux pour éviter à tout prix une nouvelle rechute.
Grossesse et bipolarité ne sont donc pas incompatibles. La prise en charge idéale de la future maman bipolaire, ne peut se faire sans une étroite collaboration entre le gynécologue et le psychiatre. Ce partenariat dure le temps de la période périnatale. Leur plus grand défi est de garantir une stabilité émotionnelle grâce à une surveillance étroite, un accompagnement bienveillant et un traitement le mieux adapté à la situation.